Thaïlande : Vers une culture Bio dans la Province de Yasothon suite aux Dégâts des Pesticides !
L’utilisation des herbicides pour désherber les champs dans le nord-est de la Thaïlande, montée en flèche ces dernières années, est à l’origine de graves problèmes de santé chez les paysans exposés aux effets des produits chimiques.
À Na Samai, sous district de la province de Yasothon, de nombreux fermiers ont depuis peu abandonné ces pratiques. Et le facteur déterminant de ce formidable mouvement semble venir des réseaux sociaux.
Au cœur de la région agricole de Yasothon, Palboon Hasamlee, un riziculteur de 54 ans travaillait comme "pulvérisateur d’herbicide" afin d’augmenter ses revenus. Mais après cinq années de ce travail artisanal, des vertiges sont brusquement survenus, avant une perte totale de sensibilité au niveau des bras et des jambes.
En 2012, tous les fermiers de la région de Na Samai qui, pendant des années, avaient déjà misé sur les herbicides, ont arrosé leurs champs de produits chimiques.
Les affiches et la radio locales vantaient la facilité d’utilisation et l’efficacité des désherbants pour détruire les graminées rebelles et les mauvaises herbes dans leurs rizières.
Crise sanitaire
Certains fermiers de Na Samai accusent les jeunes générations de l’Isaan qui affluent en ville à la recherche d’un travail, de laisser leurs parents âgés s’occuper seuls de l’exploitation familiale.
Pour ces agriculteurs privés d’une main d’oeuvre qui les aident à arracher les herbes à chaque saison, les herbicides représentent une solution plus efficace et plus commode que le labour, méthode traditionnelle, mais qui exige une main d’œuvre nombreuse pour désherber les champs.
Selon ces fermiers, toute culture serait impossible sans l’aide d’ouvriers pour pulvériser l’herbicide.
Les dépenses des paysans thais pour l’importation de pesticides ont augmenté de 71% entre 2007 et 2013.
Les dépenses des paysans thais pour l’importation de pesticides ont augmenté de 71% entre 2007 et 2013.
Les experts sanitaires ont rappelé qu’à l’apparition des herbicides, de nombreux fermiers en ignoraient les effets dévastateurs sur la santé, comme des éruptions, des nausées et des maux de tête jusqu’à des pathologies plus dangereuses, comme des crises d’asthme ou des convulsions parfois mortelles.
À Na Samai, la crise sanitaire est survenue après plusieurs saisons d’épandage avant plantation.
Afin de trouver une solution, les autorités de Na Samai et les centres de santé locaux ont mis en place un arsenal de programmes éducatifs d’information sur les dangers d’utilisation des produits chimiques à l’attention des villageois. M. Paiboon se souvient :
"Pendant 6 mois j’ai dû aller deux fois par semaine chez le médecin. J’ai eu des centaines d’injections pour me soulager".
Wira Seangchat le directeur du Centre médico-social de Na Samai, s’est inquiété quand il a constaté une recrudescence de ses consultations pour des affections cutanées, des vertiges et des nausées :
"En tant que professionnel de santé, je n’ignorais pas que (ces maladies) étaient dues à une exposition aux herbicides. J’ai alors pris conscience qu’il était indispensable d’agir pour que les villageois cessent de les utiliser".
Dans ses efforts pour convaincre les agriculteurs de Na Samai de mener une transition vers une agriculture sans pesticides, M. Wira leur a montré des photographies d’infections cutanées contractées après une exposition aux herbicides de plaies ouvertes.
Il leur a expliqué qu’il avait vu sept cas semblables dans le sous district, dont la guérison avait demandé plusieurs mois.
Depuis 4 ans, Ubon Youwah ,directeur du Réseau d’agriculteurs pour une agriculture durable au nord-est (Alternative Agriculture Network – AAN), le gouvernement local et les centres médicaux ont commencé les campagnes de sensibilisation.
Devant leur succès, selon M. Ubon, 40% des fermiers de quatre villages du sous district de Na Samai ont complètement arrêté l’usage des herbicides.
Cette estimation ne tient pas compte du grand nombre de fermiers qui migrent vers des pratiques agricoles sans produits phytosanitaires et ont déjà réduit les apports chimiques dans leurs champs.
Entraide locale !
Vice-président de l’organisation administrative du sous-district de Na Samai, Precha Chairat, âgé de 53 ans, converti à une agriculture sans herbicide, n’a constaté aucune diminution dans le rendement de sa production de riz, une préoccupation qui met un frein au changement pour beaucoup d’agriculteurs :
"Lorsque je m’adresse aux habitants des 13 villages de mon département je leur montre ce que je fais dans mes champs et que même sans produits chimiques, mon taux de rendement reste le même et les herbes sont sous contrôle."
Il considère pourtant que même si ces sessions d’information ont fait prendre conscience de la nécessité de stopper les herbicides, la solution passe obligatoirement par les réseaux sociaux.
Dans le village 11 de Na Samai la parcelle de riz de M. Precha sert de modèle.
L’entretien de sa terre passe par le labour, le battage des mauvaises herbes et l’utilisation du sel gemme comme alternative aux herbicides.
C’est ainsi, preuve à l’appui, que les villageois accepteront plus volontiers de se passer de désherbants.
Depuis que des affections vraisemblablement en rapport avec l’utilisation de produits chimiques (douleurs des articulations et hypertension) ont été diagnostiquées chez Mme Maleerat Nonrata, une fermière de 64 ans dans le sous-district de Na Samai, celle-ci « jure » d’abandonner définitivement les herbicides.
Maintenant qu’elle a recouvré la santé, Mme Maleerat presse ses amis et voisins de changer de pratique et insiste sur l’avantage financier résultant de l’abandon des désherbants. Wichai Patoownan, un ancien fermier de 59 ans, a suivi l’exemple de Mme Maleerat :
"Personnellement, je n’ai jamais eu de problèmes de santé mais quand j’ai vu ceux de mes amis et de mes voisins, j’ai arrêté les herbicides".
Les fermiers ayant expérimenté avec succès ces pratiques agricoles non-chimiques traditionnelles ou innovantes partagent souvent cette expérience avec leurs voisins, apportant une émulation dans la communauté.
Faisant référence au réseau d’environ 500 familles du village de Na Samai. M. Wichai précise :
"La diffusion de la connaissance des meilleures pratiques se fait par le bouche à oreille".
Chaque saison, à l’exemple de M. Precha, de nouveaux voisins sont de moins en moins sceptiques vis-à-vie de la transition vers une agriculture sans herbicide :
"Je ne cherche pas à influencer. (Mais) mon succès est constatable dans la région. Chacun peut en faire autant".
Cette petite réforme agricole des agriculteurs de Na Samai prouve qu’il est possible de transiter vers une agriculture sans produits chimiques en Isaan.
Aven LaRosa, étudiante en anthropologie à l’université Rutgers, a également étudié ces 4 derniers mois à Khon Kaen.
Traduction : Michelle Boileau
Sources : Aven LaRosa / The Isaan Record Planting The Seeds of Herbicide-Free Farming in Yasothon
Photo : Bill Vriesema / Flickr
http://www.alterasia.org