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Krishnamurti : Ce qu’est le vrai enseignement !

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Une bonne éducation devrait aider l’homme à connaître par expérience le processus intégré de la Vie !


 

L’ignorant n’est pas celui qui manque d’érudition, mais celui qui ne se connaît pas lui-même et l’érudit est un sot lorsqu’il cherche l’entendement dans des livres, dans des connaissances, auprès d’autorités. 

L’entendement ne vient qu’à celui qui se connaît lui-même, c’est-à-dire qui a la perception de la totalité de son propre processus psychologique. 
Ainsi l’instruction, dans le vrai sens de ce mot, est la compréhension de soi, car c’est en chacun de nous que l’existence entière est ramassée.
Ce que, de nos jours, on appelle instruction est une accumulation de faits, un savoir livresque qui est à la portée de toute personne sachant lire. 

Une telle façon de s’instruire offre une forme subtile d’évasion, et, comme toutes les fuites hors de nous-mêmes, crée inévitablement un surcroît de misères. 
Nos conflits et notre état de confusion résultent des rapports faux que nous entretenons avec les gens, les choses, les idées, et tant que nous ne comprenons pas et ne modifions pas ces rapports, le fait d’apprendre, de recueillir des données, d’acquérir différentes sortes d’habiletés, ne peut que nous enfoncer davantage dans le chaos et la destruction.
Dans nos sociétés, telles qu’elles sont organisées, nous envoyons nos enfants à l’école pour qu’ils apprennent un art ou une science qui leur permettront un jour de gagner leur vie. 

Nous voulons faire de notre enfant d’abord et surtout un spécialiste et espérons ainsi lui donner une situation économique sûre. 
Mais est-ce que l’enseignement d’une technique nous rend capables de nous comprendre nous-mêmes ?
Bien qu’il soit évidemment nécessaire de savoir lire et écrire, de posséder un métier et de pouvoir exercer une quelconque profession, est-ce que cette sorte de savoir engendre en nous la capacité de comprendre la vie ? 

Bien sûr que non. 
Donc si la technique est notre seul but, nous nions manifestement l’essentiel de la vie. 
La vie est douleur, joie, beauté, laideur, amour, et lorsque nous la percevons comme un tout, cette compréhension, à chaque niveau, crée sa propre technique. 
Mais le contraire n’est pas vrai: un savoir-faire ne peut jamais engendrer une compréhension créatrice.
L’éducation, de nos jours, est une faillite complète parce qu’elle accorde la primauté à la technique. 

En lui accordant cette importance excessive, nous détruisons l’homme. 
Cultiver la capacité et l’efficience sans comprendre la vie, sans avoir une perception compréhensive des démarches de la pensée et des désirs, c’est développer, notre brutalité, provoquer des guerres, et, en fin de compte, mettre en péril notre sécurité physique. 
Le développement exclusif de la technique a produit des savants, des mathématiciens, des constructeurs de ponts, des conquérants d’espace, mais comprennent-ils le processus total de la vie ? 
Un spécialiste peut-il percevoir la vie en tant que totalité ? 
Il le peut, s’il cesse d’être un spécialiste.
Le progrès technologique ne manque pas de résoudre des problèmes de certaines sortes, pour certaines personnes, à certains niveaux, mais il entraîne des conséquences plus vastes et plus profondes. 

Vivre à un certain niveau et négliger le processus total de la vie, c’est inviter la misère et la destruction. 
Le besoin le plus pressant, le problème le plus urgent pour chaque individu est d’avoir une compréhension intégrale de la vie, qui lui permettra d’affronter ses complexités sans cesse croissantes. 
La connaissance technique, pour nécessaire qu’elle soit, ne résoudra en aucune façon nos conflits psychologiques, nos pressions intérieures ; et c’est parce que nous avons acquis le savoir sans appréhender le processus total de la vie, que la technologie est devenue un moyen de nous détruire nous-mêmes. 




L’homme qui sait faire éclater l’atome mais qui n’a pas d’Amour en son cœur devient un monstre. 
Nous choisissons une profession selon nos capacités, mais est-ce que suivre une vocation nous affranchira de nos conflits et de notre confusion ? 
Une certaine forme d’entraînement technique semble nécessaire ; mais lorsque nous devenons des ingénieurs, des médecins, des comptables, où en sommes-nous ? 
Est-ce que l’exercice d’une profession est l’accomplissement de la vie ? 
Elle l’est apparemment, pour la plupart d’entre nous. 
Nos diverses professions peuvent nous occuper la plus grande partie de nos existences ; mais les choses mêmes que nous produisons et qui nous enthousiasment tellement, sont celles qui causent nos destructions et nos misères.
Notre comportement et nos valeurs transforment nos occupations et notre monde en instruments d’envie, d’amertume et de haine. 

Sans connaissance de soi, tout ce qui nous occupe provoque une frustration avec ses inévitables conséquences dans toutes sortes de pernicieuses activités. 
La technique sans cette compréhension intérieure mène à l’inimitié et à une brutalité que nous recouvrons de phrases agréables à entendre. 
A quoi bon donner tant d’importance à la technique et devenir des entités efficientes si le résultat est une mutuelle destruction ? 
Notre progrès matériel est prodigieux, mais il n’a fait qu’augmenter notre pouvoir de nous détruire l’un l’autre, et il y a la famine et la misère sur toutes les terres du monde. 
L’humanité n’est pas une espèce paisible et heureuse.
Lorsque la fonction est suprêmement importante, la vie devient morne et triste ; elle devient une routine mécanique et stérile, que nous fuyons en nous plongeant dans les distractions les plus variées. 

L’accumulation de faits enregistrés et le développement de capacités – que nous appelons instruction – nous a privés de la plénitude de la vie et de l’action intégrées. 
C’est parce que nous ne comprenons pas le processus total de la vie que nous nous accrochons à la capacité et à l’efficience, lesquelles prennent ainsi une importance écrasante. 
Mais le tout ne peut pas être compris à travers la partie ; il ne peut être compris que par l’action et l’expérience.
Un autre facteur dans cette culture de la technique est qu’elle nous donne un sens de sécurité, non seulement économique, mais psychologique aussi. 

Il est rassurant de savoir que l’on est efficient et capable. 
Savoir que nous pouvons jouer du piano ou construire une maison, cela nous donne une impression de vitalité, une indépendance agressive. 
Mais accorder de l’importance à notre capacité à cause du désir que nous avons d’une sécurité psychologique c’est nier la plénitude de la vie. 
Le contenu total de la vie ne peut jamais être prévu, il doit être perçu à nouveau d’instant en instant, mais nous redoutons l’inconnu, et à cause de cela nous établissons pour notre sauvegarde des zones de protections psychologiques sous formes de systèmes, de techniques et de croyances. 
Et, tant que nous chercherons une sécurité intérieure, le processus total de la vie nous échappera. 






Une bonne éducation, tout en encourageant l’enseignement d’une technique, devrait accomplir quelque chose de bien plus important : elle devrait aider l’homme à connaître par expérience le processus intégré de la vie. 
C’est cette expérience directe qui mettra la capacité et la technique à leur vraie place. 
Car, en somme, si l’on a quelque chose à dire, le fait même de la dire crée le style, mais apprendre un style sans le sentir intérieurement, ne peut que mener à une expression artificielle.
Les ingénieurs, dans le monde entier, s’acharnent à concevoir des machines qui fonctionneront sans le concours humain. 

Dans une vie presque entièrement servie par des machines, que deviendraient les hommes ? 
Ils auraient de plus en plus de loisirs sans savoir les employer avec sagesse et chercheraient des évasions dans l’érudition, dans des amusements abêtissants, dans des idéals.
Je crois que l’on a écrit de nombreux volumes sur l’idéal dans l’éducation, et pourtant notre confusion à ce sujet est plus grande qu’elle ne l’a jamais été. 

Il ne peut pas exister de méthode pour l’enseignement de l’intégration et de la liberté. 
Tant que ce sont les principes, les idéals, les méthodes qui nous importent, nous ne faisons rien pour aider l’individu à se libérer de sa propre activité égocentrique, avec ce qu’elle comporte d’angoisses et de conflits. 
Aucun idéal, aucun plan utopique d’une Cité future ne provoqueront le bouleversement radical des cœurs qui est essentiel si l’on veut mettre fin à la guerre et éviter la destruction universelle. 
Aucun idéal ne peut modifier nos valeurs actuelles. 
Celles-ci ne peuvent être rejetées qu’au moyen d’une éducation vraie, basée sur la compréhension de "ce qui est".
Lorsque nous travaillons ensemble pour un idéal, pour un avenir, nous façonnons des individus selon notre conception du futur ; ils ne nous intéressent pas en tant qu’êtres humains car c’est notre idée de ce que ces individus devraient être qui, seule, nous intéresse. 

"Ce qui devrait être" devient beaucoup plus important pour nous que "ce qui est", c’est-à-dire l’individu avec ses complexités telles qu’elles existent. 
Mais si nous commençons à comprendre l’individu directement au lieu de le regarder à travers l’écran de ce que nous imaginons qu’il "devrait être", aussitôt, c’est "ce qui est" qui nous occupe. 
Et alors, nous ne cherchons plus à transformer l’individu et notre principal intérêt est de l’aider à se comprendre lui-même. 
En cela, il n’entre en jeu aucun mobile, aucun profit personnels. 
Si nous sommes pleinement conscients de "ce qui est", nous le comprenons et par conséquent nous en sommes libres ; mais pour être conscients de ce que nous sommes, nous devons cesser de nous efforcer d’atteindre quelque chose que nous ne sommes pas.
L’idéal n’a aucune place dans l’éducation car il empêche la compréhension du présent : l’on ne peut être conscient de "ce qui est" que lorsqu’on ne s’évade pas dans le futur. 

Être tourné vers le futur, s’efforcer d’atteindre un idéal, cela révèle une paresse d’esprit et le désir d’éviter le présent. 
La poursuite d’une utopie préfabriquée n’est-elle pas une négation de la liberté et de l’intégration de l’individu ? 
Lorsque l’on a un idéal en vue, un modèle, lorsque l’on a une formule de ce qui devrait être, ne mène-t-on pas une vie superficielle et automatique ? 


 



Nous avons besoin, non pas d’idéalistes ou d’entités possédant un esprit mécanisé, mais d’êtres humains intégrés, intelligents et libres. 
Vouloir mettre en application un projet de société parfaite c’est se batailler et verser le sang pour ce qui "devrait être", tout en ignorant ce qui "est".
Si les êtres humains étaient des entités mécaniques, des machines automatiques, le monde futur serait prévisible et des plans pour une utopie parfaite pourraient être dressés. 

Nous pourrions alors élaborer soigneusement les cadres d’une société future et nous orienter vers leur mise en exécution. 
Mais les êtres humains ne sont pas des machines que l’on puisse installer selon des conceptions définies. 
Entre maintenant et le futur il y a un immense inconnu dans lequel de nombreuses influences agissent sur chacun de nous. 
En sacrifiant le présent au futur, nous poursuivons des moyens erronés en vue d’une fin que nous imaginons être probablement juste. 
Mais les moyens déterminent la fin ; et, d’ailleurs, qui sommes nous pour décider ce que l’homme devrait être? 
De quel droit décidons-nous de le conformer à un quelconque modèle, que nous décrit tel ou tel livre, ou que déterminent nos ambitions, nos espoirs et nos craintes?
L’éducation telle que je l’entends ne s’appuie sur aucune idéologie, quelles que soient ses promesses au sujet d’une future utopie ; elle ne s’appuie sur aucun système, quelqu’intelligent qu’il soit et ne doit pas être un moyen de conditionner l’individu d’une façon ou d’une autre. 

L’éducation doit aider l’individu à mûrir librement, à s’épanouir en amour et en humanité. 
C’est à cela que nous devrions nous occuper et non pas à façonner l’enfant conformément à un modèle idéal. 
Toute méthode qui classifie les enfants selon leurs tempéraments et leurs aptitudes ne fait que mettre en relief leurs différences et, de ce fait, engendre les antagonismes et encourage les divisions dans la société. 
Elle ne contribue donc pas à développer des êtres humains intégrés. 
Il est évident qu’aucune méthode et qu’aucun système ne peuvent servir de base à l’éducation dont je parle. 
La mise en application d’une méthode est l’indice d’une paresse d’esprit chez l’éducateur. 
Tant que l’éducation s’appuie sur des principes nettement établis, elle peut confectionner des hommes et des femmes très habiles, mais ne peut pas produire des êtres humains créatifs. 


 




Seul l’Amour peut engendrer la compréhension d’autrui. 
Où est l’amour, il y a communion instantanée avec l’autre, au même niveau et en même temps. 
C’est parce que nous sommes si desséchés nous-mêmes, si vides et sans amour que nous avons permis aux gouvernements et aux systèmes de s’emparer de l’éducation de nos enfants et de la direction de nos vies ; mais les gouvernements veulent des techniciens efficients, non des êtres humains, car des êtres vraiment humains deviennent dangereux pour les États et pour les religions organisées. 
Voilà pourquoi les gouvernements et les Églises cherchent à contrôler l’éducation.
La vie ne se laisse pas conformer à un système ; on ne peut pas l’enfermer dans un cadre, quelque noble qu’il soit. 

Et un esprit qui n’a été entraîné qu’à la connaissance des faits est incapable d’aborder la vie avec toutes ses diversités, ses subtilités, ses profondeurs et ses altitudes. 
Lorsque nous instruisons nos enfants selon un système de pensée ou en appliquant une discipline définie, lorsque nous leur apprenons à penser dans des cadres compartimentés, nous les empêchons de devenir des hommes et des femmes intégrés, et par conséquent ils sont incapables de penser intelligemment, c’est-à- dire d’aborder la vie dans son unité. 
Or la plus haute fonction de l’éducation est précisément de créer des individus intégrés, capables de considérer la vie dans son ensemble. 
L’idéaliste, tout comme le spécialiste, ne s’occupe pas de la totalité mais d’une partie seulement. 
Il ne peut pas y avoir d’intégration tant que l’on s’efforce d’agir conformément à un idéal. 
Et la plupart des éducateurs qui sont des idéalistes ont négligé l’amour. 
Leurs esprits et leurs cœurs ont secs.
Pour étudier un enfant, l’éducateur doit être sur le qui-vive, en état d’observation, et en même temps être lucide quant à son propre processus, ce qui exige bien plus d’affection et d’intelligence que d’inciter l’enfant à suivre un idéal. Une autre fonction de l’éducation est de créer de nouvelles valeurs. 

Se borner à inculquer à l’esprit de l’enfant des valeurs établies c’est le conformer à un idéal, le conditionner, sans éveiller son intelligence. 
L’éducation est intimement reliée à la crise mondiale actuelle et l’éducateur qui perçoit les causes de cet universel chaos devrait se demander comment éveiller l’intelligence des jeunes et aider ainsi la nouvelle génération à circonscrire les conflits et les désastres. 
Il doit accorder toute sa pensée, tout son soin et son affection à la création d’un milieu adéquat et au développement de la compréhension, de sorte qu’en atteignant leur maturité les individus puissent aborder avec intelligence les problèmes qui surgiront devant eux. 



 


Mais, en vue de cette action, l’éducateur doit se comprendre lui-même au lieu de s’appuyer sur des idéologies, des systèmes, des croyances. 
Cessons de penser en termes de principes et d’idéals. 
Occupons-nous des choses telles qu’elles sont. 
Car c’est cette considération de « ce qui est » qui éveille l’intelligence ; et l’intelligence de l’éducateur est bien plus importante que sa connaissance d’une nouvelle méthode d’éducation. 
Pour celui qui applique une méthode, même si celle-ci a été mise au point par une personne intelligente et réfléchie, c’est la méthode qui devient importante et l’enfant ne compte que par rapport à elle. 
On mesure et on classifie les enfants et ensuite on les instruit selon un code. 
Ce procédé peut être commode pour l’éducateur, mais ni l’application d’un système ni la tyrannie de l’opinion et de l’érudition ne peuvent créer des êtres humains intégrés.

Extrait d’un texte de Krishnamurti

 

Source : https://prendresoindenosenfantsquantiques.wordpress.com/
Texte partagé par les Chroniques d'Arcturius 

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